Pays du golfe - La France en porte-à-faux
Mireille Duteil

Qu’il est malaisé de voir deux amis guerroyer. C’est grosso modo la position inconfortable dans laquelle se trouve la France depuis le coup de tonnerre du 4 juin dans le Golfe : l’Arabie saoudite, les pays du Golfe, le Bahreïn et leurs obligés égyptien, yéménite puis mauritanien, rompaient leurs relations diplomatiques avec le minuscule Qatar soumis à un quasi blocus de son grand voisin saoudien.

Qu’allaient faire les nouvelles autorités françaises pour lesquelles Riyad et Doha sont traditionnellement d’excellents clients, en particulier de matériels militaires ?

C’est dès 1994 que La France et le Qatar signent un accord de défense (complété en 1998) par lequel Paris s’engage à apporter une assistance militaire au Qatar en cas d’agression armée. Sous Nicolas Sarkozy, l’alliance entre les deux pays se renforce en particulier à travers les liens étroits que le président français noue avec le cousin de l’émir, le richissime et puissant Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari, Hamad bin Jaber Al-Thani, dit HBJ. Le Qatar devient un acheteur de choix pour les avions civils et militaires français. Dés 2007, Doha promet d’acheter 80 Airbus A350 pour 16 milliards de dollars, et achètera en 2015, 24 Rafale pour 6,5 milliards d’euros. Dès 2008, les Qataris qui investissent en France (hôtels de luxe, participation dans des sociétés du CAC et PSG ...), bénéficient d’une convention fiscale hors norme (comprenant l’exonération de l’impôt sur les plus-values immobilières) que l’actuel ministre de la Justice, François Bayrou, entend dénoncer.

Avec François Hollande, l’Elysée change de poulain, même si la France demeure le 5e exportateur de marchandises vers le Qatar. L’Arabie saoudite a le vent en poupe tandis que Paris prend ses distances avec l’Iran, se gardant de déplaire à l’ami saoudien qui promet de signer de gros contrats. L’Elysée appuie Riyad dans sa guerre au Yémen, vend des matériels militaires pour lesquels le Quai d’Orsay renâcle tandis qu’en 2015, François Hollande est invité à un sommet du CCG. Les liens étroits et intéressés de ses deux prédécesseurs avec Doha puis Riyad sont peu appréciés par Emmanuel Macron. Candidat à la présidentielle, il prêche en faveur de plus de retenue avec les deux capitales. Et mettra plusieurs jours pour prendre au téléphone l’émir du Qatar lorsque celui-ci l’appellera pour le féliciter de son élection.

L’objectif de Macron est donc d’éviter de mettre la France en porte-à-faux dans cette affaire de famille. Doha espère que Paris va l’aider à renouer le dialogue avec son grand voisin. Macron n’entend pas jouer les intermédiaires mais « sou- tenir toutes les initiatives pour favoriser l’apaisement », dira le jeune président français lorsqu’il s’entretiendra au téléphone avec l’émir du Qatar, Tamin Ben Hamad Al-Thani et le souverain saoudien pour les assurer de la « disponibilité de la France de rester en contact avec toutes les parties ». Un difficile exercice d’équilibre mais aussi le moyen de renouer avec la traditionnelle politique arabe de la France.