Monde arabe - La perpétuelle instabilité
Mireille Duteil

Le monde arabe va-t-il sortir de son grand chambardement ? Va-t-on trouver une issue au chaos libyen ? Une solution pour la monstrueuse guerre civile syrienne qui a fait 330.000 morts ? La paix en Irak est-elle possible après la chute de Mossoul ? La situation semble plus incertaine que jamais en cet été 2017.

Commençons par l’Irak où la défaite de l’Etat islamique à Mossoul est à mettre au chapitre des bonnes nouvelles. Mais de nouveaux nuages s’amoncellent. En 2006, le parlement irakien avait adopté une constitution fédérale plébiscitée par les chiites et les Kurdes (qui rêvent d’indépendance depuis 1991), et rejetée par les sunnites qui craignent une partition du pays qui les cantonnerait dans les régions centrales désertiques de l’Irak où ils sont majoritaires. Daech est battu, mais la situation politique des sunnites n’est pas réglée. La Bagdad chiite compte-t-elle partager le pouvoir avec les sunnites ? Et que va-t-il se passer si le 25 septembre, Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan, organisait le referendum d’autodétermination annoncé, y compris dans la riche région pétrolière de Kirkouk. Bagdad, Ankara, Téhéran et Damas se ligueront pour le faire capoter.

En Syrie, la situation est totalement bouleversée en cet été 2017. Bachar al-Assad consolide son emprise sur l’ouest du pays, la « Syrie utile », grâce au soutien massif des Russes, des Iraniens et du Hezbollah. Avec le feu vert des Américains, Moscou a imposé des cessez-le-feu à plus d’une centaine de groupes rebelles, tandis que Trump a abandonné tout soutien militaire aux combattants anti-al-Assad, sauf aux Kurdes et aux groupes arabes qui se battent contre l’EI à Rakka. Pour Washington et Paris, le départ d’al-Assad n’est plus un préalable à la résolution du conflit syrien. Est-ce à dire que la Syrie meurtrie et ruinée revient à 2011, au début de ses rêves de démocratie ? Les sunnites, majoritaires, ne se soumettront pas à al-Assad. Le pays va-t-il aller vers une partition ou une solution fédérale pour éviter la colère sans fin des sunnites ?

En Libye, l’espoir de voir la fin du chaos, n’est plus à exclure. Mais rien n’est sûr. Fin juillet, Emmanuel Macron a réussi à réunir près de Paris, les frères ennemis libyens : Faïez el-Sarraj, le chef du Conseil présidentiel et le général Haftar, patron autoproclamé de l’armée libyenne. Le premier représente la légalité internationale, mais ne règne même pas sur Tripoli livrée aux bandes armées et aux voyous qui rançonnent la population. Le second, armé par l’Egypte, a chassé les islamistes de Benghazi (avec l’aide de la France), récupéré les puits de pétrole (tenus par Daech) et conquis le sud libyen. Il rêve de Tripoli et de pouvoir, mais y compte de solides adversaires prêts à en découdre pour éviter le retour de cet ancien de Kadhafi (il est parti dans les années 80), mais dont la « tentation égyptienne » (un pouvoir militaire fort) est trop visible. El-Sarraj et Haftar ont promis de respecter une trêve (mais n’ont rien signé) et d’organiser des élections au printemps. Emmanuel Macron, qui espère le retour de la paix en Libye pour contrôler les flux de migrants et la contrebande d’armes vers le Sahel, risque de réaliser que le sud de la Méditerranée est faussement simple.