Rakka - Le début de la fin
Mireille Duteil

Rakka, capitale dévastée du califat est tombée. Cinq mois de durs combats menés par la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) ont obligé la population à fuir (Rakka était une ville prospère de 250.000 personnes) et fait plus de 3.300 morts dont 1.150 civils. Les derniers djihadistes de Rakka ont fui - les cadres de l’EI étaient déjà partis -, ont été éliminés - en particulier les étrangers - ou fait prisonniers. La chute de la ville, après celle de Mossoul, capitale du « califat » irakien, en juin, est symbolique. Si l’idéologie qui a présidé à la naissance de l’Etat islamique ne disparaît pas pour autant, la chute de Rakka annonce la fin programmée d’une organisation qui aura fait régner la terreur en Syrie et en Irak, et étendu ses rets, par internet interposé, aux quatre coins du monde. L’Etat islamique va tenter de survivre dans la clandestinité. Peut-il y réussir ?

Rakka libérée, la paix n’est pas pour autant revenue en Syrie. Une autre guerre se profile, ou se poursuit : qui va contrôler la vallée de l’Euphrate et les régions autrefois dominées par l’EI ? Qui va l’emporter à Deir ez-Zor, la grande ville de l’est où FDS et armée syrienne avancent chacune de leur côté pour chasser les djihadistes et contrôler la région ? Le jeu reste ouvert.

À Rakka, les 25.000 combattants kurdes ont libéré la ville et laissé 500 morts sur le terrain. Ils veulent toucher les dividendes de leur victoire. Les habitants, majoritairement arabes, vont-ils accepter d’être contrôlés, demain, par les Kurdes? N’y avait-il pas aussi 5000 combattants arabes au sein des libérateurs de Rakka ?

Le risque de division de la Syrie en zones d’influence, voire de partition, n’est pas à exclure. Les Kurdes, soutenus par la coalition internationale (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne…) vont-ils se retourner contre l’armée syrienne, alliés aux Russes et à l’Iran, si ceux-ci veulent les chasser des régions gagnées au prix du sang ? La Syrie, pas plus que l’Iran et la Turquie, ne veulent pas voir les Kurdes s’installer dans « leur » territoire.

De son côté, que deviendra l’EI ? Le premier souci de la Coalition internationale : éviter que les djihadistes étrangers, en particulier, européens, ne rentrent chez eux. Ils seront arrêtés ou éliminés. Ceux qui ont quitté Rakka depuis plusieurs semaines, vont entrer dans la clandestinité dans le désert irakien ou syrien.

Combien sont-ils ? Des centaines, voire des milliers d’hommes, selon certaines sources. Des djihadistes réussiront à rejoindre les camps en Afghanistan, au Yémen, en Libye, les trois pays où ils peuvent trouver refuge. De là, pour ne pas disparaître, l’Etat islamique, via internet, va continuer à recruter dans les pays musulmans et en Europe. Il fera des émules avant qu’un nouveau « calife » ne recrée, au nom de l’islam, une autre organisation concurrente tout aussi radicale.

Dans l’immédiat, de nouveaux zélotes tenteront, au nom d’un Etat islamique qui n’existe plus, de suivre El-Baghdadi quand il leur ordonnait de frapper, de leur propre chef, là où ils le pouvaient en territoire ennemi.