États-Unis – Palestine : Trump saute le pas
Mireille Duteil

Que cherche Donald Trump ? Pourquoi le président américain, en reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël, prend-il le risque de susciter une explosion de colère au Proche-Orient ?

Al-Qods est de la dynamite. La visite d’Ariel Sharon, le chef du Likoud, en septembre 2000, sur l’Esplanade des Mosquées, avait déclenché la seconde intifada ; en juillet 2016, c’est l’installation de portiques de sécurité devant la mosquée Al-Aqsa, qui avait provoqué des manifestations spontanées de jeunes Palestiniens jusqu’à ce qu’ils obtiennent leur retrait.

Récemment, alors que le désespoir est profond en Palestine face à l’absence de perspectives d’un règlement politique, Trump joue les pyromanes. Car, de fait, en installant son ambassade à Jérusalem – les États-Unis seraient le premier pays à le faire – le chef de la Maison Blanche remet en question le statut de la Ville sainte qui doit faire l’objet d’un règlement négocié entre

Palestiniens et Israéliens. Ceux-ci ont déjà annexé la partie ouest de la ville, grignote chaque jour un peu plus l’Est de la Ville sainte et veulent en faire la capitale indivisible du seul Israël. Trump fait donc fi des résolutions d’une ONU qu’il rejette. Inadmissible. Mahmoud Abbas, mais aussi Al-Sissi, les rois Abdallah de Jordanie et Ben Salman d‘Arabie Saoudite, le Roi du Maroc, président du Comité Al Qods, l’ont mis en garde, « C’est la ligne rouge à ne pas dépasser », a tonné le président turc. « Les portes de l’enfer s’ouvriront contre l’Occident dès l’annonce de ce transfert », a prédit le cheikh d’Al-Azhar qui craint que cette décision ne fournisse un nouveau combustible, très inflammable, aux djihadistes et autres extrémistes.

Aussi imprévisible qu’il soit, Donald Trump ne peut ignorer qu’il joue avec le feu. Et met un point final à la relance des négociations de paix confiée à son gendre. Pour les uns, les optimistes, le président américain, face au blocage des relations israélo-palestiniennes, voudrait, par ce coup d’éclat, faire bouger les lignes et relancer des pourparlers entre les protagonistes.

En fait, Trump, comme la plupart de ses pairs, a une priorité : la politique intérieure. Il sait que tous les six mois, comme ses prédécesseurs depuis 1995, il doit renouveler une clause dérogatoire à une loi votée par le Congrès - c’était sous Bill Clinton - qui prévoit le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Tous les chefs d’État américain l’ont régulièrement voté.

Trump a hésité en juin dernier. Mais à la veille du premier anniversaire de son mandat, il sait qu’il a besoin de resserrer les rangs de ses fidèles. Il veut tenir cette promesse électorale et remotiver ainsi sa base de la droite républicaine si la justice lui cherche demain des noises dans l’enquête russe. Or, son électorat le plus à droite, des protestants fondamentalistes, les « sionistes chrétiens », estiment que le Christ ne pourra revenir sur terre tant que Jérusalem ne sera pas la capitale d’Israël. Ces fondamentalistes ne sont pas très nombreux, mais ils sont une force d’appoint électorale non négligeable. Et Trump fait feu de tout bois.