Pavillon du Maroc au SIA de Paris : Des opportunités pour les petits agriculteurs

La Salon International de l’Agriculture (SIA) de Paris, grand-messe de l’agriculture dans l’Hexagone, a fermé ses portes dimanche 4 mars. Si pendant 9 jours le terroir français est mis à l’honneur, un pavillon été néanmoins dédié aux saveurs du monde. Le Maroc y participé pour la 6e année.

Onze pavillons sont représentés cette année au SIA dont le Sénégal, l’Italie, la Suisse, la Bulgarie, la Tunisie pour la première fois, le Mali, la Côte d’Ivoire, l’Algérie, le Brésil et le Portugal.

Situé à l’entrée du pavillon entre le Sénégal et l’Italie, le pavillon du Royaume dispose d’un des stands les plus impo- sants avec plus de trente exposants. Henné, huiles (d’argan, d’olive, de noix, de cactus), safran, épices, dattes, amandes, olives, miel et couscous sont à l’honneur, véritable vitrine du terroir marocain. Le terroir de toutes les régions du Maroc est mis à l’honneur dans un décor en forme de Kobah, couleur ocre.

Dans un communiqué officiel, l’ADA (Agence pour le Développement Agri- cole) affirme que 300 rencontres B2B ont été programmées pour connecter les exposants marocains avec les acteurs de la grande distribution, l’épicerie fine, les magasins spécialisés en bio et les centrales d’achats.

L’Agence organise et supervise la participation marocaine au Salon. Une stratégie pour le ministère de l’agricul- ture qui par ce biais vise à accompagner les petits agriculteurs en leur offrant de nouvelles opportunités. « J’ai rempli toutes les demandes et les exigences concernant les certificats. Grâce à l’ADA nous avons pu venir ici. Ils nous offrent le stand et se sont chargés du transport des produits et nous ont même aidé pour le packaging », nous confie Aomar Lhamous, exposant de la marque Bio Souss Nature Five (BSN). Néanmoins, Selma El-Antari, comme d’autres exposants, regrette l’absence de distribu- teurs. « Ici c’est du «B2C», les distributeurs ne veulent pas se déplacer pour ce salon, et quand ils viennent, il y a trop de bruit, ce ne sont pas de bonnes conditions. Pour le salon de New York le «Fancy Food » ou à Dubai le « Golf Food » c’est plus du «B2B» où on rencontre des distributeurs et acheteurs potentiel ». Pour un représentant du stand Argani, « même si c’est du B2C c’est intéres- sant de promouvoir l’image de la marque et de parler de nos produits ».

Sortir le terroir marocain du souk

Selma El-Antari a grandi dans une famille de producteur d’huile d’olive et c’est en école de commerce qu’elle décide de se lancer dans l’huile d’argan. Avec la marque Terre Brune, créée il y a deux ans, elle cherche à valoriser le terroir marocain en réponse à un professeur qui lui avait dit : «le Maroc c’est le couscous, les chameaux et les souks». Comme une revanche sur cette phrase méprisante, Selma décide de sortir le terroir maro- cain du souk. «Il faut changer l’image du terroir marocain à l’étranger ! Il faut arrêter avec cette vision selon laquelle les produits marocains ne sont pas de confiance ! Nous avons de très bons produits dans le terroir marocain qu’il faut mettre en avant». Le Directeur général de la marque BSN est fier de participer à cet événement pour la deuxième fois : «Quand j’expose l’huile d’argan, c’est tout le terroir marocain qui est à l’honneur ! C’est une richesse nationale, et pour moi c’est important de faire connaître notre marque en Europe.»

La fondatrice de la marque Terre Brune met néanmoins en garde contre l’éternel problème de corruption auquel n’échappe pas la filière de l’arganier : «On se bat pour être labellisé, nous respectons un certain nombre d’exigences pour obtenir des certificats valorisant pour nos produits, mais d’autres réussissent à corrompre pour les obtenir ! Le pire c’est que ce sont ceux qui refusent de corrompre qui ont souvent des problèmes».

Aomar Lhamous ne nie pas des cas de corruption, mais martèle : « C’est quand même sérieux, il y a parfois des visites sur- prises comme pour la certification bio. Il y a un cahier des charges à respecter ainsi que de nombreuses normes et c’est important pour la qualité du produit final ». Même son de cloche du côté du représentant de la marque Argani : «Pour avoir le label eco-cert , des agents viennent avant même la plantation pour voir et vérifier la semence, nous n’avons pas d’intérêt à tricher c’est notre produit qui est en jeu».

L’huile d’argan, le pétrole du maroc

L’huile d’argan est le produit star du pavillon marocain. Le Maroc en est le seul pays producteur et exportateur au monde. Une éventuelle concurrence israélienne n’effraie personne et surtout pas Selma El-Antanri : «En Israël, ils ont essayé de dupliquer la plante avec un succès relatif, c’est en partie synthétique, ils n’ar- rivent pas à atteindre la capacité nécessaire pour produire de l’huile d’argan.» Aomar Lhamous propriétaire de la marque BSN estime qu’aucun pays au monde ne peut concurrencer le Royaume dans ce domaine, pas même Israël qui a décidé d’implanter des arbres sur son territoire : «Je ne crois pas qu’Israël puisse faire de l’huile d’argan. Même au Maroc ça ne prend pas partout. C’est tout une conjoncture propre à certaines régions du Royaume. Il y a des pays qui ont du pétrole, nous on a l’argan».

Pour la jeune femme diplômée de l’ESCP Paris dont le profil tranche avec celui de ses concurrents, Israël est une opportunité, un nouveau marché à conquérir. Avec sa marque Terre Brune, elle a produit la première et seule huile d’argan casher : «Mes premiers clients ce sont les Israéliens et les juifs dans le monde entier. Il y a une demande importante. Pour eux le label casher est un moyen de traçabilité, ils ont confiance en ce label qu’ils mangent casher ou pas. Un rabbin est venu de New York pour certifier notre produit». Ses produits seront d’ailleurs bientôt en vente dans les hyper cashers français. Les produits Terre Brunes sont disponibles à Casablanca dans les épiceries fines, comme Hédonia, Le Bô Marché, Organic Kitchen et à Marrakech au Macaal.

Les produits à base d’huile d’argan envahissent les rayons de la grande distribution en France et à l’étranger. Les marques de luxe s’arrachent également cette denrée marocaine. Toutefois, Aomar ne cache pas son inquiétude face à la concurrence étrangère, il appelle à proté- ger la production marocaine : «Ce produit ne devrait pas sortir du pays en vrac, c’est de la concurrence déloyale. Quand la mise en bouteille est faite à l’étranger le Maroc ne gagne rien au final. Le produit que je vends à 10 euros est vendu à 40 euros alors qu’en général il est de moins bonne qualité, mais il a un meilleur packaging. Lorsque nous livrons un produit fini, toutes les coopératives, les producteurs et même l’Etat sont gagnants.» La demande à l’étranger est si importante que Terre Brune a décidé de se consacrer principalement au marché international.

L’arganier est un arbre qui se trouve principalementdanslarégiond’Agadiret d’Essaouira. Les coopératives produisent à la fois de l’huile d’argan culinaire avec de l’huile d’argan torréfié, mais également cosmétique avec de l’argan non torréfié. Si le concassage se fait encore de façon très artisanale, de nouveaux moyens de production existent, ce que nous confirme le représentant de la marque Argani : «Nous avons modernisé la manière de produire. Aujourd’hui, il y a le goutte-à-goutte pour l’arrosage, on reçoit des subventions pour améliorer notre productivité et la qualité du produit». La collecte faite essentiellement par des femmes est un travail minutieux et de longue haleine. Une coopérative normale, d’une vingtaine de femmes atteint en moyenne un litre d’argan par mois, une production limitée lorsqu’on s’attaque au marché mondial. «Nous, on peut produire un litre d’argan par jour c’est automatisé. Pour aller plus vite, il y a vingt femmes qui travaillent le concassage de manière traditionnelle, ensuite on procède au pressage automatique pour accélérer le rythme de production», nous confie Selma El-Antari.

Noufissa Charaï