Tendance. Etes-vous un goblin ?
Ne plus se soucier de son image, de l'avis des autres, se libérer de toute contrainte... c'est ça un goblin

Tendance  en vogue, le « goblincore » ou « goblin mode » est devenu une manière d’être très appréciée pour des adeptes séduits par ce « laisser-aller » libérateur.



« Je suis en mode télétravail depuis maintenant deux ans. Si au début je me sentais oppressée et limite prisonnière dans mon appartement, au bout de quelques temps je m’y suis adaptée. Mieux encore, j’ai commencé à apprécié cet isolement, cette distance avec le monde extérieur et ses contraintes », décrit Hanane. I, employée dans une entreprise casablancaise. « Rien que le fait de ne pas être obligée de me changer, de me maquiller et me coiffer chaque matin, de pouvoir travailler du fond de mon lit avec mon chien à mes côtés et mon café à portée de main, ça rendait la vie plus agréable et mon existence moins stressante », ajoute Hanane. Sans le savoir, la jeune femme s’est mise en mode goblin, une nouvelle manière d’être et un mode de vie prisé par les personnes casanières mais aussi par les autres.

Legs du confinement

« C’est un héritage des périodes de confinement répétitives imposées par la pandémie Covid-19. Dans une sorte de résignation, les gens se sont adaptés à ce retrait forcé des lieux publics. Résultat : On commence à apprécier cet isolement tellement détesté au début de la crise sanitaire », nous explique Nadia Mouâtassim, psychologue clinicienne. Se propageant grâce aux réseaux sociaux, ce mode de vie a vite séduit par son effet libérateur. « Trêve de contraintes sociales ! On peut passer sa journée en pyjama, sans soigner son apparence. On peut même négliger son hygiène sans se soucier du regard de l’autre. On peut tout simplement devenir un goblin qui s’assume en tant que tel », ajoute la psychologue.

N’avoir ni peur ni honte de ressembler à un « goblin », qui est une créature imaginaire connue pour sa laideur et vivant au fond d’une grotte, c’est le choix des adeptes de cette nouvelle philosophie d’être. « C’est en effet l’expression d’un ras-le-bol généralisé de la crise sanitaire et de ses lourdes répercussions économiques et sociales. On se « goblinise » pour dire sa colère et son envie de se détacher du monde extérieur avec tout ce qu’il représente comme menaces et contraintes », analyse Nadia Mouâtassim.

Effet libérateur

Si le goblin mode est plutôt subi par les personnes souffrant d’un handicap ou d’un problème de santé mentale (dépression, anxiété, angoisse...), dans le cas des nouveaux adeptes il est devenu un choix délibéré. « Un choix dont on est fier d’ailleurs. Sur les réseaux sociaux, les photos et autres vidéos de personnes en pyjama et robes de chambre, l’air pas tellement soigné, sont légion. Cet « anti-look » est perçu comme assez cool et décontracté et ça donne envie aux autres de se libérer autant », nous explique la psychologue.

Au Maroc, alors que le mois de ramadan était auparavant synonyme de sorties nocturnes et d’ambiance festive de ses soirées, cette année on dirait que « le cœur n’y est pas ». A une semaine de son début et après deux années de fermeture après le ftour, ramadan n’arrive pas à retrouver son ambiance habituelle. « Même avec le déconfinement ramadanesque, on s’est trop attaché aux habitudes casanières. Sortir devient alors un sacré « effort » surtout pour les adeptes du goblin mode », note la clinicienne. Un isolement volontaire et un contre courant anti-diktat de la mode, des normes de beauté et des règles sociales. « N’avoir plus envie de ressembler à cette belle influenceuse ou à cette star à la plastique parfaite ou encore à cette blogueuse mode toujours tirée à quatre épingles. J’assume mon apparence négligée. Je m’y plais et je n’ai pas honte de m’afficher comme ça. Je me révolte contre vos diktats », c’est en effet ce que pensent les « goblins », comme nous l’explique la psychologue.

Un effet de mode éphémère qui disparaitra avec l’apaisement de la crise et des esprits ? « Ca se peut pour certaines personnes mais ça peut aussi se constituer en mode de vie durable. Ça me rappelle un peu le mouvement hippie. S’il n’est pas toujours aussi répandu, sa philosophie continue d’être adoptée et mise en pratique par des adeptes fidèles », conclut la psychologue.