Les jeunes d’aujourd’hui seront-ils moins riches que leurs parents ? 
Les nouveaux entrants sur le marché de l'emploi, auront des revenus inférieurs de 13 % au cours de leur première décennie de vie active.

La pandémie aura des effets dévastateurs sur les jeunes sur le plan économique. Elle pèsera aussi sur le revenu des jeunes tout au long de leur vie, selon un nouveau rapport de la banque mondiale. 



«Les étudiants d'aujourd'hui pourraient perdre jusqu'à 10 % de leurs revenus futurs en raison des perturbations de l'enseignement imputables à la COVID-19. Quant au déficit cognitif des tout-petits, il pourrait se traduire par une baisse de 25 % de leurs revenus lorsqu'ils seront adultes », alerte un rapport un nouveau rapport publié par la banque mondiale intitulé : « Effondrement et relèvement : les effets de la COVID-19 sur l’érosion du capital humain et comment y remédier ». L’étude qui porte sur les données relatives à l'impact de la pandémie à des stades clés du développement : la petite enfance (0-5 ans), l'âge scolaire (6-14 ans) et la jeunesse (15-24 ans), note a COVID-19 a provoqué un effondrement massif du capital humain à des moments critiques du cycle de vie, avec des effets potentiellement dévastateurs sur le développement de millions d'enfants et de jeunes dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

Pertes d'apprentissages

En effet, la pandémie a entraîné la fermeture d'écoles et d'entreprises. Le président de la banque mondiale David Malpass estime ainsi que « cette fermeture avec la perturbation des services essentiels durant la pandémie ont eu des effets dévastateurs sur les progrès réalisés depuis des décennies dans le développement du capital humain ». Pour éviter de mettre en péril le développement de plusieurs générations, il préconise de mettre en place des politiques ciblées qui permettront d’inverser les pertes subies dans le domaine des apprentissages fondamentaux, de la santé et des compétences. Il ajoute par ailleurs que « les pays doivent trouver de nouvelles voies pour investir davantage dans le capital humain afin que leurs populations deviennent plus résilientes face aux menaces conjuguées que constituent les chocs sanitaires, les conflits, la faible croissance des économies et le changement climatique, et aussi pour établir les fondements d’une croissance équitable et de la stabilité. »

Le rapport souligne aussi que dans certains pays, les pertes d’apprentissage dues à la pandémie chez les enfants d'âge préscolaire, par rapport aux cohortes antérieures, s’élèvent à plus de 34 % en ce qui concerne le développement du langage et plus de 29 % en mathématiques. Dans de nombreux pays, même après la réouverture des écoles, les taux d'inscriptions préscolaires ne s'étaient pas rétablis fin 2021, avec un écart pouvant aller jusqu’à plus de dix points de pourcentage dans plusieurs d’entre eux. Par ailleurs, les enfants ont aussi subi les effets d'une plus grande insécurité alimentaire pendant la crise sanitaire. « Chez les enfants d'âge scolaire, pour chaque tranche de 30 jours de fermeture des écoles, les élèves ont perdu environ 32 jours d'apprentissage en moyenne », fait savoir la banque mondiale.

Aggravation du chômage

Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, l’étude montre que près d'un milliard d'enfants ont manqué au moins une année complète de scolarité en présentiel, et plus de 700 millions ont manqué une année et demie. Par conséquent, la pauvreté des apprentissages qui concernait déjà 57 % des élèves avant la pandémie, a encore augmenté dans ces pays. En chiffres, 70 % des enfants de 10 ans seraient incapables de lire et comprendre un texte simple.

Sur le volet emploi, l’étude confirme que la pandémie a aggravé le chômage chez les jeunes. La preuve : quarante millions de personnes qui auraient eu un emploi sans la crise de la COVID-19 ne travaillaient pas à la fin de 2021. Ainsi, les revenus des jeunes se sont contractés de 15 % en 2020 et de 12 % en 2021, et les nouveaux entrants sur le marché de l'emploi, moins instruits, auront des revenus inférieurs de 13 % au cours de leur première décennie de vie active. Les données concernant le Brésil, l'Éthiopie, le Mexique, le Pakistan, l'Afrique du Sud et le Viet Nam ont montré que 25 % de l'ensemble des jeunes n'étaient ni dans le système éducatif, ni dans l'emploi, ni en formation en 2021.

Comment s’en sortir ?

« Sans mesures d'urgence, la pandémie risque également d'aggraver encore la pauvreté et les inégalités », prévient le rapport qui propose différentes solutions pour rattraper les pertes actuelles et prévenir les pertes futures. A court terme, et pour les jeunes enfants, il est recommandé ainsi de promouvoir des campagnes ciblées de vaccination et de supplémentation nutritionnelle, améliorer l'accès à l'éducation pré-primaire et étendre la portée des allocations monétaires pour les familles vulnérables. Pour les enfants en âge scolaire, le rapport appelle les gouvernements à maintenir les écoles ouvertes et augmenter le temps d'enseignement, évaluer les acquis et adapter les cours aux niveaux des élèves, et réorganiser les programmes scolaires pour se concentrer sur les apprentissages fondamentaux. Et pour la jeunesse, il est primordial, selon la banque mondiale, de promouvoir des formations adaptées aux besoins, l'aide à la recherche d'emploi, les programmes d'entrepreneuriat et de nouvelles initiatives axées sur le développement de la main-d'œuvre.

À plus long terme, le rapport note que les pays devront mettre en place des systèmes de santé, d'éducation et de protection sociale réactifs, résilients et adaptables, à même de mieux se préparer et répondre aux chocs actuels et futurs. « Les moins de 25 ans d’aujourd'hui, qui constituent la catégorie de population la plus touchée par l'érosion du capital humain, représenteront plus de 90 % de la population en âge de travailler en 2050 », indique Norbert Schady, économiste en chef pour le Développement humain à la Banque mondiale et l'un des principaux auteurs du rapport. « Inverser l'impact de la pandémie sur ces jeunes et investir dans leur avenir devrait être une priorité absolue pour les gouvernements. Sinon, ces cohortes ne représenteront pas une seule génération perdue, mais plusieurs », préconise-t-il.