Le palais Badii de Marrakech sera en travaux à partir de juin prochain. Il va donc être fermé au public et pour tous les événements, y compris culturels, qui ont lieu dans ce merveilleux espace historique et également pratique. Il est donc possible que le dernier événement qu’il ait reçu fut le lancement mondial de la Ferrari Roma Spider. Un super événement, il faut le reconnaître aussi bien pour la marque qui profite de la renommée mondiale du Palais et de Marrakech que pour la ville et le Maroc, en général.

Le lieu sera donc fermé à partir de juin. Jamal Debbouze peut se reposer cette année, le Marrakech du rire qu’il organise chaque année ne pourra pas avoir lieu. Un drame pour qui? Il semble que c’en soit un pour l’humoriste mais aussi pour la chaîne française M6, le partenaire de l’événement. C’est d’ailleurs M6 qui a annoncé le « report » de la fête. On ne rira pas cette année. Mais riait-on vraiment?

Là c’est un peu plus compliqué. Les humoristes marocains ont bâti leur fonds de commerce sur l’autodérision. Pour faire rire le public français, ils se moquent d’eux-mêmes, se tournent en dérision, s’offrent et offrent leurs familles, leurs amis, les Marocains, en spectacle. Et cela fait rire les Français et vous savez quoi? Cela fait rire aussi les Marocains. En tout cas ceux qui assistent au festival ou le regardent sur la chaîne française.

Panne moteur

On en conclue que le public marocain ne se considère pas touché quand un humoriste toujours marocain (mais aussi un humoriste français pour l’ambiance Marrakech) se moque d’un chauffeur de taxi, de son propre père immigré en France (Debbouze), ou encore d’un étudiant marocain en théâtre dans un institut parisien. L’humour a trop joué sur la différente culturelle voire même civilisationnelle entre le Maroc et la France.

La France c’est la civilisation, l’ordre, la technologie (GPS de Gad El Maleh), la précision... Le Maroc, c’est le désordre, la corruption, l’ignorance technologique, la nonchalance... Or, nous savons qu’il n’en est rien. C’était vrai à une époque, cela ne l’est plus aujourd’hui.

Evidemment, cela ne pouvait pas durer indéfiniment, et le public en a eu assez. Le thème a été utilisé jusqu’à l’usure. La traite des vaches a ses règles.

Bref, les humoristes véhiculent une image dévalorisante pour leur pays d’origine. Ils en ont fait un fonds de commerce fructueux et les affaires ont très bien marché. Et puis, comme pour tout produit qui n’évolue pas, ne s’améliore et n’innove pas, l’humour finit par perdre des parts de marché. Parfaitement. C’est tout à fait commercial. Le sketch ou le spectacle est un produit comme les autres. Donc, marketing, publicité, packaging... La seule différence c’est que les produits de consommation ont une date de péremption. L’humour n’en a pas. Ça tombe d’un coup, stupeur dans la salle.

Un humoriste peut avoir du talent, mais s’il n’a pas avec lui un homme d’affaires efficace, il pourra continuer à faire rire, certes, mais juste ses copains au tour d’un verre. Sans plus.

Une nouvelle stratégie produit s’impose donc. Mais est-ce possible? Ces humoristes ont trop longtemps fait leur beurre avec l’autodérision, pour sortir du tunnel dans lequel ils se sont mis, il va falloir qu’ils cravachent dur. Seul moyen de réparer la panne moteur. Et il y a des chances que le moteur soit complètement cramé. Là on rira moins, beaucoup moins.

A la fin juste une question. Quelqu'un peut-il assurer le public que ce report n'a rien à voir avec la détérioration des relations entre le Maroc et la France? Non mais tout de même, si le palais Badii est fermé, Marrakech regorge de lieux emblématiques où on peut rire.