Recensement. Pourquoi certains s'en méfient?
55.000 participants au 7ème RGPH

Leurs arguments et leurs motivations diffèrent mais ils s’accordent tous sur le rejet du recensement 2024. Ce sont les sceptiques qui se méfient de cette opération et refusent de jouer le jeu. Tour d’horizons de leurs argumentaires.  

A peine le recensement 2024 a-t-il démarré, le voilà au cœur d’un mouvement de résistance appelant au boycott de l’opération. Une attitude qui s’alimente d’une certaine méfiance par rapport « aux véritables motivations » du recensement et « la fiabilité de ses méthodes » comme le soutiennent ses détracteurs. « Trop couteux ! »Ayant démarré dimanche dernier, ce 7ème recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2024) consiste à collecter des données auprès des ménages dans toutes les régions du Royaume. Il se poursuivra jusqu'au 30 septembre 2024. D'importants moyens ont été déployés pour mener à bien cette grande opération à l’échelle nationale : Un budget de 1,4 milliard de DH, 55.000 participants et autant de tablettes ont été dédiés au recensement qui a une portée stratégique. « En parlant de budget, c’est un énorme gâchis ! Pourquoi dépenser une fortune alors qu’une simple application ou programme informatique aurait pu faire l’affaire et épargner au budget de l’Etat une telle dépense ? », s’interroge la présidente du ThinkTank Neo Moroccans Mayssa Salama Ennaji, dans un story facebook largement repris. Ne lâchant pas prise, l’influenceuse continue sur sa lancée en s’adressant directement au Haut Commissaire au Plan Ahmed Lahlimi en affirmant qu’elle refuse catégoriquement de recevoir les enquêteurs chargés du recensement.« Soucis de sécurité »« Je le dis et le redis en public : Je ne vais pas ouvrir ma porte à ces gens. Qui me dit que ce ne sont pas des malfrats déguisés en enquêteurs ? Qui peut assurer ma sécurité dans ce cas là ? Je ne vais pas me mettre en danger pour le recensement », insiste-t-elle en affirmant que si on frappe à sa porte elle fera appel à la police !D’après Salama Ennaji, les méthodes adoptées pour effectuer le recensement « sont vraiment archaïques et mobilisent beaucoup trop de moyens et de ressources humaines alors que la révolution informatique et l’intelligence artificielle offrent d’autres options beaucoup moins couteuses et beaucoup plus efficaces », conclut-elle. Même son de cloche chez les sceptiques affichant des préoccupations d’ordre « économiques ». Des voix s'élèvent sur les réseaux sociaux pour déplorer « le coût élevé du recensement » en suggérant que « ces fonds pourraient être mieux utilisés pour d'autres priorités sociales ou économiques ». Hostilité Des inquiétudes d’ordre sécuritaires doublées de scepticisme que l’on retrouve par ailleurs chez d’autres détracteurs du recensement. Si certains expriment leur réserve sur un ton badin en partageant sur les réseaux sociaux trolls, blagues et autres memes, d’autres adoptent une attitude plus extrême envers « l3attacha » (comme les a surnommés l’activiste Aziz Ghali). Éloquents et surtout inquiétants, des commentaires sur un post amusant qui tourne en dérision l’embarras des enquêteurs « éconduits » par les foyers sceptiques, laissent perplexes. L’auteur du post, qui est une enquêtrice, a été « lynchée » à coup de commentaires hostiles. « Tu auras de la chance si je refuse de t’accueillir. Personnellement je te violerais pour que tu cesse de rôder autour de mon chez moi », attaque un internaute. Les autres n’y vont pas de main morte. « Croyez-vous qu’on va vous ouvrir nos portes comme ça pour venir nous espionner ! », « On n’est pas dupe ! Faites demi tour et ne vous avisez pas de venir frapper à ma porte. Mon accueil risque de ne pas vous plaire », répondent d’autres internautes aussi coriaces et agressifs en menaçant de s’attaquer physiquement aux enquêteurs. Vie privée Une forte préoccupation de confidentialité est également exprimée par les sceptiques. Ces derniers s’inquiètent par rapport à la protection des données personnelles collectées lors du recensement. Craignant que les informations sensibles puissent être mal utilisées ou accessibles à des tiers non autorisés, ils se disent non confiants. Le HCP a par ailleurs réagi à ces inquiétudes en publiant une annonce lundi 2 septembre sur sa page officielle facebook. « Pour assurer la confidentialité et le respect de la vie privée et des données personnelles des familles, le HCP a pris des mesures strictes interdisant catégoriquement de filmer ou de photographier les entrevues avec interviewés. Une mesure qui consiste à protéger la confidentialité de l’opération et pour renforcer la confiance mutuelle entre les enquêteurs et les familles », explique le HCP dans sa mise au point.Rapport de confianceLe Haut Commissaire au Plan de son côté s’est voulu rassurant lors de la conférence de presse tenue à l’occasion du démarrage du 7ème RGPH. « Rassurez-vous ! Notre motivation est nationale et nous n’allons pas venir chez vous pour « vous causer du tort ». Le questionnaire ne contient aucune information qui risque de vous priver d’un droit ou d’une aide déjà acquise », assure-t-il à ceux qui s’inquiètent par rapport à leur accès aux aides allouées par le Registre Social Unifié (RSU). Des propos qui devraient apaiser la « méfiance institutionnelle » de certains citoyens doutant de la transparence et de l'intégrité du processus et de la fiabilité des données recueillies. Certains sceptiques doutent en effet que le recensement puisse véritablement refléter la réalité démographique et sociale du pays en raison de problèmes méthodologiques ou logistiques : « Qu’en est-il des populations des douars reculés et des bourgades inaccessibles, seront-elles recensées au même titre que les citadins ? », s’interroge un autre internaute. Un tas d’interrogations et de doutes auxquels tente de répondre le HCP via sa campagne de sensibilisation et sa page facebook en publiant régulièrement des questions/réponses sur le sujet. Cette « ouverture » du HCP saura-t-elle apaiser les inquiétudes et convaincre les anti-recensement de son bien fondé et de son utilité pour la nation ? A suivre !