Guerre anti-état islamique : L’accouchement difficile d’une coalition

La guerre en Syrie et le rôle de l’Iran dans ce combat sont les raisons majeures et indissociables de l’imbroglio. La participation de Téhéran à la coalition est, pour l’instant, exclue. Or il est illusoire de vouloir intervenir et régler les conflits en Syrie et en Irak, dont les djihadistes contrôlent une partie du territoire, sans les Iraniens dans la mesure où ils soutiennent à la fois Damas et Bagdad. D’autant que sur le terrain, l’Iran est très engagé auprès de l’armée irakienne et des milices chiites qui combattent Da’ech. Autant dire que cette organisation a transformé Téhéran et Washington en alliés objectifs, même si l’Iran reste discret sur cette coopération peu orthodoxe.

Le poids de la rivalité irano-saoudienne

Le problème, c’est que l’Arabie Saoudite et les autres États du Golfe refusent de voir Téhéran jouer un rôle central dans ces deux conflits. Cette rivalité entre les puissances sunnites de la région et l’Iran chiite empoisonne l’organisation de la lutte anti-terroriste même si le danger que représente l’État Islamique l’a quelque peu atténuée. La poursuite de la guerre en Syrie et la difficulté d’y trouver une solution acceptable à la fois par les Saoudiens et les Iraniens – Téhéran rejette toute assistance militaire aux rebelles « modérés » - ajoutent à la complexité de la situation. La rivalité saoudo-iranienne explique en tout cas que la participation militaire arabe reste pour l’instant loin de l’engagement qu’on a connu en 1990 lors de l’intervention militaire contre l’Irak de Saddam Hussein après son invasion du Koweit. Soucieux de montrer leur engagement, les États du Golfe multiplient toutefois les déclarations hostiles à l’État islamique et les mesures à son encontre : mise hors la loi de l’organisation, emprisonnement de ses partisans, achèvement par Ryad d’un mur de sécurité ultra sophistiqué long de 900km à sa frontière avec l’Irak…

Difficile répartition des rôles

Les Américains sont par ailleurs confrontés à une véritable quadrature du cercle. Ils ont besoin du concours des États du golfe, particulièrement de l’Arabie Saoudite, gardienne des lieux saints et berceau de l’islam sunnite, pour que la coalition mise en place ne soit pas perçue par les sunnites comme une « croisade occidentale contre l’islam ». Mais une coopération militaire trop visible entre Washington et Ryad risquerait de radicaliser une partie de la population du royaume farouchement anti-américaine. Ces secteurs accepteraient d’autant plus mal une participation à des actions militaires contre d’autres sunnites qu’ils ont été nourris aux prédications wahhabites qui alimentent depuis des années l’extrémisme salafiste… Autre incertitude : le soutien de la Turquie. Il n’est pas acquis, Ankara ne voyant pas d’un bon oeil l’armement des kurdes irakiens. Les Turcs craignent en effet que ces armes ne finissent par tomber entre les mains des kurdes du PKK. Ultime problème à résoudre : la répartition des rôles au sein des alliés. Le volet militaire de l’intervention sera placé sous commandement américain. Mais Paris, très en pointe contre Da’ech, entend garder son autonomie, notamment dans le choix des cibles. La France est ainsi réticente à cautionner des frappes contre l’État islamique en Syrie si elles doivent reposer sur un accord avec le régime de Assad. Or, tout indique que la Syrie, si elle est écartée, mettra des bâtons dans les roues de la coalition. L’imbroglio proche-oriental n’en finit décidemment pas d’interférer dans la planification d’une opération déjà très complexe ❚