Le retour du Maghreb
Mireille DUTEIL

Le Maghreb se rappelle à François Hollande. Et d’une sinistre façon, avec la décapitation en Algérie, le 24 septembre, par un groupe lié à l’Etat islamique d’un touriste, guide de montagne, parti en randonnée en Kabylie. La question se pose : Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, aurait-il dû être écouté, début septembre, lorsqu’il plaidait en faveur d’une intervention militaire en Libye ? Mais les pays de l’Union Européenne ne l’ont pas suivi. Aucune capitale n’en voit la nécessité. Paris se serait retrouvée seule, comme au Mali en 2013, puis en Centrafrique. Aussi François Hollande s’est-il tourné vers le Moyen- Orient. Le gouvernement irakien, aux abois, menacé par les djihadistes de l’État islamique, appelait au secours. Pour Hollande, ce nouveau champ de bataille, loin de la France, est au coeur du désordre actuel. D’autant plus que de nombreux jeunes d’Europe se laissent prendre au piège du califat. Cette semaine, la prise d’otage en Algérie souligne une fois de plus l’évidence : tout est lié. Le djihadisme va de l’Irak à l’Atlantique. Ce que les Maghrébins savent depuis toujours. Et Paris, sans le crier sur les toits, renforce son dispositif au Sahel, au sud de la Libye. Ce pays est en plein chaos. A l’ouest, les milices de Zintan, les plus nationalistes, alliées au général Khalifa Haftar, semblent perdre du terrain devant les groupes islamistes soutenus par les milices de Misrata. En fait, une lutte régionale et tribale pour le pouvoir et le partage du pétrole. Le parlement élu, reconnu par la communauté internationale, siège sur un bateau au large de Tobrouk. Le parlement précédent a refusé de démissionner. Le pays compte donc deux parlements et deux gouvernements. La capitale va à vau-l’eau et les Libyens aisés s’installent en Tunisie. Car les assassinats de juges, procureurs, journalistes, civils, blogueurs, membres des forces de sécurité ont coûté la vie à 250 personnes dans la seule région de Benghazi. Le sud du pays, immense et désertique, est devenu une base arrière idéale pour les groupes salafistes, dont Aqmi, qui s’y est réfugié l’an passé lorsque les Français ont lancé l’opération Serval au nord du Mali. Aqmi a refait ses forces, récupéré de l’armement et des moyens financiers. C’est ainsi que les groupes lancent de nouveau des actions ponctuelles mais répétées contre les troupes de l’ONU au nord du Mali, déjouant la surveillance des moyens de renseignement américains et français. « Le sud de la Libye est devenu un hub du terrorisme », a dénoncé le ministre français de la Défense. La Tunisie, le Niger, le Tchad sont inquiets. Tous sont convaincus que les circuits d’approvisionnement en armes qui partent de Libye expliquent aussi la montée en puissance de Boko Haram, au nord du Nigeria mais aussi au nord du Cameroun, déstabilisé. L’armée française s’est largement repliée sur Niamey et N’Djamena où elle dispose d’une base. Des renforts sont arrivés discrètement. De Niamey, des Mirage sont prêt à décoller pour anéantir dans le nord, à la frontière libyenne, les transports d’armes vers le sud. Mais Paris aimerait ne pas être seul. Des avions égyptiens et des émirats étaient venus, en août, au secours du général libyen Haftar pour bombarder un quartier djihadiste de Tripoli. Les EAU sont aujourd’hui engagés en Syrie. Aux côtés du Qatar, qui lui semble continuer à financer des islamistes au Sahel. Cherchez l’erreur ! ❚