Investissements. Comment le Maroc peut séduire les Africains ?
Les investissements africains en direction du Maroc peinent à décoller

Les opportunités d’investissement pour les Africains au Maroc et les facilités offertes par le Royaume dans le domaine des affaires ont été au centre d’une conférence organisée par Euromed Business school, mardi à Fès.

Selon le directeur général de l’AMDIE, Hicham Boudraa, « les investissements directs marocains (IDM) en Afrique ont plus que doublé au cours des dix dernières années. Par contre, les investissements africains au Maroc peinent à décoller et leur croissance reste en deçà du potentiel ». Le constat a été fait lors d’une rencontre organisée par l'Euromed Business school, composante de l'université Euromed de Fès. C’était l’occasion de mettre l’accent sur les atouts économiques du Maroc et les opportunités offertes pour les entrepreneurs africains désireux d’investir au Maroc en général et à Fès en particulier mais aussi d’identifier les obstacles à lever et les moyens à déployer pour booster les investissements intra-africains à destination du Royaume.

Des opportunités à saisir

« Le classement du Maroc dans le rapport de la Banque mondiale (Doing Business), l’assouplissement des procédures liées à l’investissement, l’établissement d’un climat d’affaires stimulant et favorable et le statut du Maroc en tant que hub-régional aux portes de l’Europe sont autant d’atouts qui distinguent le Royaume», rappelle Hicham Boudraâ. De son côté, Loubna Karroum, experte du développement territorial et Afrique, note qu’en signant plus de 55 accords de libre-échange, dont le traité portant sur la création de la ZLECAF, le Maroc s'engage dans un processus d’ouverture de son économie au reste du monde permettant l’accès à un marché de plus d'un milliard de consommateurs. Les opportunités au Maroc ne manquent pas. A Fès par exemple, le directeur général du CRI Fès-Meknès, Yassine Tazi a mis l’accent sur les diverses possibilités d’investissement dans la région et le dispositif d’accompagnement mis en place, notamment la banque de projet industrielle et la War Room, cellule dédiée à l’accompagnement des investisseurs. «Dans le cadre de la stratégie de relance industrielle, la Région Fès-Meknès devrait accueillir 95 projets potentiels identifiés dans le cadre de la banque de projets. Ces derniers représentent un investissement de 7,8 MMDH pour un chiffre d’affaires potentiel de 23,5 MMDH» explique Y. Tazi qui insiste sur la volonté de la région de se positionner en tant que destination attractive pour l’Afrique. Après des études au Maroc Mawouto Hoedegbe a choisi de développer son affaire 2Msynergy à Fès dans le domaine de la communication digitale. Selon lui, l’initiative entrepreneuriale chez la communauté subsaharienne devient une réalité et beaucoup de jeunes sont intéressés par entreprendre au Maroc.

Made in Africa

Le Maroc a tout ce qu’il faut pour transformer les matières premières africaines en produit fini. Ensemble, les pays peuvent travailler dans une logique de co-développement», estime Hicham Boudraâ qui ajoute que les pays africains ont intérêt à travailler main dans la main et exporter par la suite vers d’autres continents. Nancy Katambala avocate et conseillère juridique d’Africa business solutions à Londres propose aussi de mettre en place une stratégie de développement Sud/Sud dans des secteurs ciblés et utiliser les atouts de chaque pays pour aller dans cette logique de co-développement et co-construction. «Nous devons travailler ensemble pour avancer », déclare t-elle. Avis partagé par tous les intervenants dont Mehdi Alaoui, président de La Factory qui parle également de complémentarité et de confiance. «Il faut qu’on se fasse confiance et penser l’Afrique en tant qu’un seul bloc. C’est à partir de là qu’on pourra constituer la prochaine force économique ». Dans ce sens, Loubna Karroum appelle à la mise en place du «Made in Africa » . «C’est un rêve. Mais, ensemble les Africains pourront y arriver a condition de lever les obstacles qui entravent le développement des investissements intra-africains ».

Obstacles à lever

Si les investissements africains au Maroc sont faibles aujourd’hui c’est pour plusieurs raisons. D’abord il y a ce problème de mauvaise perception. Hicham Boudraâ explique que les résultats s’un sondage mené par l’AMDIE auprès d’un groupe d’Africains dont le niveau d’études est élevé montrent que le Maroc est considéré comme étant un pays occidental qui ne favorise pas le développement des affaires des investisseurs africains. Le directeur général du CRI Fès-Meknès met le doigt sur la question de la communication. «Les investisseurs ne sont pas forcément au courant des programmes mis en place pour encourager l’acte d’investir au Maroc et n’ont pas une idée claire sur les atouts et potentialités du pays », juge t-il. Son avis est partagé par Abdousalam Dramé, CEO du groupe IGEA au Mali, une PME opérant dans le domaine des nouvelles technologies et de l’énergie. Cet entrepreneur n’ose pas étendre ses activités au Maroc. «J’ai toujours eu cette impression qu’il y a moins d’opportunités d’investissements au Maroc en comparaison avec d’autres pays comme la Guinée et qu’il n’est pas facile de s’implanter et réussir son affaire dans le pays », assure t-il avant d’évoquer l’absence de soutien des Etats africains et le manque d’accompagnement des investisseurs dans leur stratégie d’internationalisation. «Pour moi le Maroc, est un pays où on peut passer ses vacances, faire ses études et acheter des biens immobiliers. Il faut à mon sens, améliorer l’image pour le business puisque jusque là, on n’arrive pas à déceler les opportunités offertes », regrette le jeune entrepreneur. Mehdi Alaoui, cite le problème de l’attractivité. «Les startups africaines par exemple se caractérisent par une capacité de développement plus rapide que les autres entreprises. Pourtant rares sont celles qui ont choisi d’investir au Maroc », déclare t-il. En effet, selon CEOs Survey édition 2020, l’Index d’attractivité des investissements en Afrique qui repose sur les réponses fournies par les chefs d’entreprise africains à la question : « Quels pays africains vous semblent les plus attractifs pour investir à l’heure actuelle ?, la Côte d’Ivoire reste le pays africain le plus attractif pour les investissements selon le secteur privé. Le Maroc lui vient à la 8ème place après le Kenya( 2e), le Ghana (3e), le Sénégal (4e) le Rwanda (5e), l’Ethiopie (6e), et le Nigeria (7e). Sur les difficultés liées à la création d’entreprises au Maroc et la complexité des procédures, Mawouto Hoedegbe estime que c’est juste un mythe. «D’après mon expérience, on peut facilement créer son entreprise dans le pays et les efforts entrepris pour faciliter l’acte d’investissement et les démarches administratives sont louables. Pour moi, la difficulté réside plutôt dans la phase de post création vu l’absence d’accompagnement et la difficulté d’accès à certains financements », précise le jeune entrepreneur.

Pour rectifier le tir

Pour attirer les investisseurs africains, le Maroc doit mettre en place une série de mesures, selon les professionnels présents à l’événement. Le directeur général de l’AMDIE préconise de mettre en place une stratégie de communication ciblée, pour convaincre les investisseurs africains à franchir le pas. Yassine Tazi insiste, lui, sur le rôle des régions, l’AMDIE et les CRIs. «Tous ces intervenants doivent mutualiser les efforts et mettre le paquet pour mettre en avant les potentialités d’investissements dans le pays, vulgariser l’information, identifier les obstacles et agir en conséquence pour attirer les investisseurs », conclut-il.



A Propos de l'Euromed Business School

L’Euromed Business School se donne pour mission d’accompagner les transformations écologiques, digitales et des modèles d’affaires des économies et des organisations, d’une part, par la formation de leaders ouverts sur le monde, responsables, entrepreneurs et innovants, d’autre part, par une recherche qui vise à comprendre et agir sur les des dynamiques organisationnelles, économiques et sociétales à l’œuvre. Du 19 au 26 mai, L’université Euromed de Fès organise la semaine Africaine, sous le thème : « l’Afrique, continent de l’avenir ». Cet événement représente un cadre privilégié d’échange, regroupant plusieurs décideurs africains pour penser ensemble les orientations stratégiques, pour l’avenir de notre continent et créer une dynamique collective, à même d’y favoriser un développement socio-économique durable.