Nouveau modèle de développement. Il y a à faire
Chakib Benmoussa, président de la commission spéciale sur le modèle de Développement (CSMD)

Très attendu depuis quelques mois, le rapport sur le Nouveau modèle de développement vient d’être présenté au Roi Mohammed VI.



Chakib Benmoussa a remis une copie du rapport relatif au Nouveau modèle de développement au Roi Mohammed VI. Le rapport de 170 pages trace les contours de l’ambition nationale sur la base « des attentes des citoyens telles qu’identifiées durant le processus de consultation et d’écoutes, sur les mutations structurelles au niveau national et mondial ainsi que sur le cadre référentiel de la Constitution du Royaume ».

Faiblesses du modèle actuel

La Commission Spéciale sur le Modèle de Développement dresse quatre principaux freins au développement. Il s’agit d’abord du manque de cohérence verticale entre la vision et les politiques publiques annoncées et le manque de convergence horizontale entre ces politiques. Le rapport souligne ainsi une faible priorisation des stratégies et des programmes, une non prise en compte des limites en termes de ressources et de capacités avec une faible coordination sur les sujets transverses. Ensuite, la commission déplore la lenteur de la transformation structurelle de l’économie. le rapport note aussi que l’économie est partiellement verrouillée avec de faibles marges pour l’entrée de nouveaux acteurs innovants et une régulation insuffisante. Autre hic relevé : la capacité limitée du secteur public, de conception et de mise en œuvre des politiques et services publics de qualité. La commission met le doigt également sur un sentiment d’insécurité et d’imprévisibilité qui limite les initiatives.

Axes de transformation

Pour atteindre son ambition et ses objectifs fondamentaux, le nouveau modèle de développement propose quatre principaux axes de transformation, qu’il sera nécessaire de conduire.

D’abord, l’économie doit évoluer d’une économie à faible valeur ajoutée et à basse productivité, avec des niches rentières et protégées, à une économie diversifiée et compétitive, portée par un tissu dense d’entreprises innovantes et résilientes. La transformation économique doit générer, selon la commission, plus de croissance et d’emplois de qualité pour intensifier la création de valeur et assurer l’insertion de la population active, en particulier les femmes et les jeunes.

Le capital humain doit être renforcé pour donner à tous les citoyens les capacités de prendre en main leur devenir, de réaliser leur potentiel en toute autonomie, et de participer au développement du pays et à son intégration dans l’économie du savoir et de l’immatériel portées par les compétences. Cet axe suppose des réformes essentielles, exigeantes et urgentes, des systèmes de santé, d’éducation et d’enseignement supérieur et professionnel.

Le troisième axe de transformation, celui de l’inclusion, vise la participation de toutes et de tous, à la dynamique nationale de développement. Toutes les populations, et tous les territoires, doivent être inclus dans l’effort collectif, principalement à travers la participation et l’accès égal aux opportunités économiques, à travers la protection sociale, et à travers l’ouverture et l’acceptation de la diversité de la société marocaine. Les normes sociales discriminantes et les manques de capacités et de compétences, causes d’exclusion, doivent céder la place à une dynamique d’inclusion par la croissance, le travail, la mobilisation citoyenne et le renforcement du lien social.

Les territoires, enfin, sont le lieu du quatrième axe majeur de transformation . Pour la commission, les territoires doivent devenir le lieu d’élaboration, d’ancrage et de portage des politiques publiques. « Ce sera le levier déterminant pour garantir un accès équitable aux services publics, un cadre de vie sain et de qualité, préservant les ressources, respectant tous les affluents de l’identité nationale et garantissant la dignité de tous les Marocains et en tous milieux, au plus près des besoins et des potentialités », indique le rapport.

De ces quatre transformations émergent des priorités stratégiques. Certaines sont nouvelles et en rupture avec l’existant, comme la place centrale de la culture, la généralisation de la protection sociale à toutes les populations vulnérables.... D’autres sont fortement réaffirmées, dans leur urgence, comme l’éducation fondamentale, la régionalisation ou le renforcement des TPME. La commission insiste sur la nécessité d’agir en urgence. « Les choix stratégiques proposés par le Nouveau modèle de développement doivent être mis en œuvre d’urgence pour construire l’économie de l’après Covid-19 », estime la rapport qui ajoute que «l’épidémie de la Covid-19 a provoqué une crise économique d’une profondeur inédite qui a révélé les faiblesses du tissu productif national et altéré fortement son potentiel de croissance ».