Textile. La nouvelle feuille de route de l'AMITH
L’AMITH dévoile sa nouvelle feuille de route à l’horizon 2035

La crise pourrait bien être l'occasion pour les professionnels du textile de revoir leur copie. Conquête de nouveaux marchés, développement de marques marocaines, lutte contre l’informel, usage du chanvre…l’AMITH dévoile sa nouvelle feuille de route à l’horizon 2035



«Cette crise a certes impacté l’activité textile, mais elle a aussi été riche en enseignements » déclare le vice-Président de l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l'Habillement (AMITH) Jalil Skalli. Selon lui, «le moment était propice pour remettre à plat tout le système afin de trouver les bonnes pistes qui permettront de booster voire même de révolutionner le secteur d’ici 2035 ». Une nouvelle feuille de route est mise en place. L’ambition est d’augmenter la valeur des exportations marocaines à 60 milliards de Dhs et de porter la part des exportations marocaines sur les marchés d’Amérique du Nord et d’Europe du Nord à 20% du total des exportations. L’AMITH aspire également à porter la part de la production en co-traitance et produit fini de 35% actuellement à 60%. Sur le plan local, l’objectif dans les 14 années à venir est d'augmenter la part de marché des industriels marocains à 40%.

Des opportunités à saisir

En 2019, l’industrie du textile comptait 1628 entreprises employant 189.000 personnes. Le secteur a généré un chiffre d’affaires de 50,48 milliards de Dhs, dont 36,5 milliards à l’export. La tendance haussière des exportations marocaines amorcée en 2010, a été freinée en 2020 par la pandémie de la COVID-19 qui a réduit les exportations à 29,8 milliards de Dhs en 2020. Néanmoins «80% des exportations sont principalement dirigées vers deux marchés, l’Espagne et la France. En dépit de la position géographique stratégique du pays et de son savoir-faire dans ces filières, ses parts de marché à l’export restent limitées en raison notamment des conditions d’accès moins favorables que celles des concurrents » explique la Directrice Générale de l’AMITH Fatima-Zahra Alaoui. Autres contraintes majeures relevées: « Un RDV manqué avec la demande locale, une compétitivité mise à mal et une domination de la sous-traitance ». Pourtant les opportunités ne manquent pas. «L’ Asie traverse actuellement de grandes difficultés et n’arrive pas à répondre à la demande des donneurs d’ordres européens. Pour nous, c’est une opportunité à saisir » affirme Jalil Skalli. En dehors de l’Europe, les textiliens visent également les Etats-Unis et la Grande-Bretagne où le Maroc commence déjà à gagner des parts de marché. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est aussi visée.

Changer de paradigmes

« La filière textile marocaine dispose de tous les atouts nécessaires pour se remettre en première ligne sur l'échiquier mondial. Néanmoins, il lui faut dès aujourd'hui se placer dans un autre paradigme et adopter les choix pertinents en termes de positionnement et de développement » souligne Fatima-Zahra Alaoui. Les textiliens veulent créer une image forte du Made In Morocco. «Nous voulons favoriser le développement de 10 marques de notoriété nationale à l’horizon 2025. Aussi, notre objectif est la mise en place d’un taux de sourcing local minimum pour les grandes enseignes de distribution opérant dans le pays. Les discussions sont en cours avec d’autres opérateurs afin de dupliquer le modèle développé avec Marjane Holding» confie F.Z Alaoui. Face à la problématique de la rareté du foncier, l’AMITH va développer ses éco-parcs équipés en énergies renouvelables et dotés d’espaces de gestion et de valorisation des déchets. «Deux parcs pilotes de 100 Ha chacun à Casablanca et Tanger sont en cours de développement pour accueillir les investissements» souligne la DG de l’AMITH.

Dans le textile, l’informel génère 12 milliards de dirhams de chiffre d’affaires et 180.000 emplois. Pour encourager les opérateurs à sortir de l’ombre, l’AMITH propose d’adopter une TVA réduite en faveur du secteur et de travailler avec les régions pour la mise à disposition de locaux industriels adaptés avec la promotion de dispositifs de l’Etat (AMO, statut auto-entrepreneur...) et une modernisation de la distribution via des marchés pilotes (aswak namoudajia) . L’innovation étant un volet crucial de cette vision, l’association entend donner un coup de pouce aux start-ups novatrices et à accompagner les entreprises nationales dans leur digitalisation. Elle souhaite également renforcer l’intégration en amont de la chaîne de valeurs textiles à travers la mise en place de plusieurs mesures concrètes dont des offres de financement, des incitations fiscales et autres réductions de coûts

Du textile à base de chanvre

Selon l’AMITH, 85% des matières premières sont importées. Au regard des difficultés actuelles en matière d’approvisionnement ou de coût du fret, la filière veut développer l’amont. La récente légalisation de la culture du chanvre industriel représente une véritable opportunité pour un textile naturel, durable, responsable mais aussi compétitif. «En 1850 environ 75% du textile mondial était produit à base de chanvre. Celui-ci a disparu au profit d’autres matières comme le coton et le polyester dont l’empreinte carbone est dénoncée », explique Jalil Skalli qui précisé que «les débouchés du chanvre dans le textile sont là. Nous allons surfer sur cette vague pour faire du Maroc la plateforme mondiale du chanvre textile". Pour y parvenir, néanmoins, il y a des préalables. "Il ne manque plus que les décrets d’application de la loi et la création de l’agence dédiée à ce secteur. Nous serons les premiers à travailler avec les agriculteurs dans ce sens », conclut le vice-Présidvnt de l'AMITH.