PUB Ramadan déchaîne les passions

Débat La publicité bat son plein durant le mois du Ramadan. Une manne financière pour les chaines nationales et une aubaine pour les marques. Or, face à une créativité limitée, l’impact serait faible. L’heure est à l’innovation et la diversification des canaux de diffusion.

Trop de publicité à la télévision pendant le Ramadan ? Sur cette question, les avis sont partagés. Pour certains observateurs avertis, il y a une surcharge durant le prime time, soit la plage horaire entourant le f’tour. Les statistiques montrent que la SNRT et 2M triplent leurs recettes publicitaires durant le mois sacré. Ces gains s'expliquent essentiellement par la forte demande des annonceurs. D'abord les « saisonniers », dont les produits sont consommés particulièrement pendant le mois de Ramadan. Puis les petits annonceurs qui ne communiquent que durant cette période. Et enfin, les gros annonceurs dont les budgets sont extensibles et qui, malgré la hausse des tarifs, n'hésitent pas à augmenter leur budget communication. C'est donc la bousculade pour le prime time.

« Ramadan représente pour les annonceurs la période propice pour une campagne publicitaire TV en raison de la forte mobilisation des téléspectateurs, notamment à l'heure du f'tour. Le taux d'audience des deux chaînes nationales durant les deux heures suivant le f'tour avoisine les 90% ! », précise Mounir Jazouli vice-président du groupement des annonceurs du Maroc (GAM) à l’occasion de la conférence-débat organisée à l’initiative de ce groupement. Le thème central choisi était d’ailleurs : « La communication ramadanesque : Etats des lieux et perspectives ».

Les chiffres enregistrés annuellement montrent clairement que le mois du Ramadan est une aubaine. Les annonceurs essayent donc de tirer profit au maximum de cette occasion idéale pour aller à la rencontre des consommateurs. « Certaines entreprises vont même jusqu’à se contenter d’une seule opération durant le mois sacré avec des budgets se situant entre 400.000 et 500.000 DH », souligne Amine Bennis, PDG de Tribal DDB. Si ce dernier insiste sur la valeur ajoutée que peut représenter la publicité en une telle période pour la marque en termes de notoriété et même de retour sur investissements, Aissam Fathya, directeur général de l’agence Kenz Media, émet un autre avis. D’après lui, le Ramadan n’est qu’un prétexte. « Une marque ne peut se construire en un mois, mais plutôt dans le temps. Je ne crois pas que l’énorme montant d’investissement alloué à une seule opération pendant l’année soit justifié en termes de rentabilité et de coût », nuance-t-il. En 2012, une enquête en ligne menée par Averty market recherche & intelligence afin de déterminer la perception de la télévision marocaine, mesurer le niveau de satisfaction et connaitre les suggestions des Marocains, fait ressortir que 92,7% des répondants confirment qu’il y a eu trop de publicité à l’heure du ftour. 90% d’entre eux se disent avoir été dérangés par ce volume en hausse, tandis que 7% des répondants estiment que le volume de publicité est normal. Même les avis des professionnels sont mitigés. Si certains estiment qu’il y a trop de publicité, d’autres considèrent qu’il n’y en a pas assez pour un marché comme celui du Maroc qui offre un grand potentiel. Seul bémol, les agences publicitaires ne travaillent qu’avec les grosses entreprises alors que 90 % du tissu industriel est composé de PME qui représentent d’importantes opportunités.

Se différencier ou disparaître

Certains parlent d’overdose publicitaire durant le Ramadan, quand d’autres évoquent des espaces non exploités. Mais les uns et les autres sont unanimes quant à la nécessité de profiter de l’audience offerte pour se différencier au cours d’un mois très convoité. Toutefois, pour Mouhsine Jazouli, la publicité ramadanesque se heurte à des critiques acerbes de la part des téléspectateurs notamment en matière de contenu. «Toutes les publicités deviennent « carte de vœux ». On choisit la facilité. Il y a beaucoup d’insights qu’on n’explore pas », avance Sofia Jalal, présidente du GAM. Fady Chamaa Executive Créative Director à JWT North Africa, va plus loin. D’après lui, les annonceurs ne connaissent pas le consommateur. Du coup, ils le ridiculisent. La solution serait alors de miser sur l’innovation tout en créant un lien entre le média classique et les nouveaux médias tels que le web. « A travers la toile, une marque peut cultiver beaucoup de valeurs du mois du jeûne. Il ne s’agit pas de connecter une marque avec un client, mais plutôt un client avec un autre autour d’une marque », préconise Amine Bennis. De son côté, Fady Chamaa pense que Ramadan ne se détache pas du reste de l’année. Pour lui, il est impératif de bâtir une plateforme des valeurs propres à la culture musulmane tout au long de l’année qu’il faut célébrer pendant le Ramadan. Outre la télé et le web, il y a des opportunités à saisir à la radio. « Le média radio permet de véhiculer des messages publicitaires créatifs et attractifs, sans oublier que les tarifs publicitaires dans ce domaine sont considérablement moins chers et plus accessibles que ceux pratiqués par la télé. On peut passer entre 5 et 6 messages par mois avec des tarifs presque 10 fois moins chers que la télé », assure Ilham Boumehdi présidente de la CIRAD.

Un sacré business pour les chaines

Pour faire face à la forte demande des annonceurs durant le mois sacré, les deux chaînes nationales ont des stratégies

commerciales spécifiques. Elles procèdent à des réaménagements des plages horaires ainsi qu’à des augmentations de tarifs. D’ailleurs, cette année, Régie 3, régie publicitaire de 2M, a ajusté les tarifs publicitaires des spots de 30 secondes pour le Ramadan en optant pour des augmentations allant jusqu’à 45% par rapport à 2012. En effet, l’année dernière, les tarifs f’tour se situaient entre 53.880 et 84.150 DH, pour se positionner cette année entre 73.400 et 109.400 DH. Les tarifs d’avant le f’tour ont également augmenté. Exemple : la coupure qui précède l’appel à la prière coûte 70.000 au lieu de 48.820 dirhams un an auparavant. Pour la SNRT, pas de changements par rapport à l’année dernière. Les tarifs se situent entre 25.000 et 32.000 dirhams pour la période d’avant ftour et entre 35.000 et 65.000 dirhams lors de la période f’tour. Médi1 TV a procédé également à la révision à la hausse de sa grille tarifaire. Pendant le f’tour 2012, les tarifs variaient entre 28.000 et 43.200 DH. Cette année, la nouvelle grille oscille entre 32.000 et 62.400 DH. Les tarifs sont plus chers certes, mais les marques casquent quand même car l’objectif ultime reste d’être présent durant ce mois coûte que coûte. Et parfois, en le

faisant n’importe comment, hélas !

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