Maroc-Mauritanie. En attendant le port de Dakhla
La Mauritanie a limité les importations des fruits et légumes du Maroc

La Mauritanie a décidé de réduire les importations de légumes en provenance du Maroc. Elle veut promouvoir le produit local. Les exportateurs marocains de fruits et légumes ne paniquent pas pour autant. Des solutions existent.

Le gouvernement mauritanien réduit la quantité de fruits et légumes importés du Maroc. Désormais, seuls deux camions de tomates de 30 tonnes par jour, en provenance du royaume sont autorisés. Par ailleurs, le pays a décidé de ne plus importer de carottes du Maroc. Dans un courrier du ministère mauritanien du Commerce et du tourisme, adressé au ministère des finances daté du 31 mars, il est indiqué que cette décision est "motivée par la volonté de promouvoir le produit national". La lettre dresse également la liste de certains fournisseurs autorisés à dépasser le tonnage indiqué pour les tomates importées précisant que cela se fera pendant cinq jours, les mercredis, jeudis, vendredis, samedis et dimanches. « Je vous serais reconnaissant de bien vouloir orienter vos services compétents vers la mise en œuvre ferme de ces décisions », souligne le ministre du Commerce.

Pas de blocage pour les exportateurs

La Mauritanie importe la plupart de ses légumes et fruits depuis le Maroc. Selon l’office national de la statistique de Mauritanie, les importations du pays proviennent principalement du Maroc avec 44,6% du total. L’Algérie vient en seconde position avec 17,5%. Chaque jour, sur les 300 camions chargés en légumes et fruits traversant le passage d’El Guerguarate, 70 camions marocains sont destinés à la Mauritanie. Le reste, poursuit sa route vers d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, notamment le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie...



Le président de l’association marocaine des producteurs et exportateurs de fruits et légumes (Apefel). ajoute que « les opérateurs ont la capacité de se tourner vers de nouveaux clients tout en comptant sur leurs partenaires africains stratégiques. Ils vont tout simplement changer de destination », assure-t-il.

Pour sa part, Lahcen Boulguid, le président de l’association des producteurs et exportateurs de maraîchage et primeurs du Maroc (Aspem), région du Souss et membre de la Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d’exportation des fruits et légumes (Fifel), estime qu’en Mauritanie, les fruits et légumes marocains sont très prisés. Par contre, la tomate par exemple, n’est pas largement consommée par la population et les quantités exportées restent limitées par rapport à celles destinées à d’autres pays africains.

Nouveaux débouchés

Si les exportations marocaines en produits agroalimentaires frais vers l’Afrique de l’Ouest, durant la période 2007-2015, ont été destinées à 93% à la Mauritanie (avec une part de 50%), au Sénégal (28%), au Nigéria (8%) et au Mali (7%), aujourd’hui, Boulguid parle d’une croissance de plus de 50% ces dernières années à destination de ces pays de l’Afrique de l’Ouest. Et l’heure est à la recherche de nouveaux débouchés dans la région. «Ce sont les exportations vers les pays de l’Afrique de l’Ouest qui nous ont sauvés lors de cette période de crise sanitaire. La marchandise transitait par la Mauritanie et était expédiée par la suite vers le Mali, la Gambie, le Sénégal...pour la tomate par exemple, on exportait vers la Russie. L’année dernière nous avons exporté 64.000 tonnes vers ce pays. Cette année, seuls 1.000 tonnes ont été envoyées. Finalement, nous avons opté pour les pays africains pour compenser les pertes subies », précise Boulguid qui appelle le gouvernement à régler le problème de la « monnaie de change » qui constitue un handicap majeur pour les exportateurs des fruits et légumes vers le continent africain.

Une brèche pour l’Algérie

Parallèlement à ces restrictions, on note un boom de 205% des exportations algériennes vers la Mauritanie durant le premier trimestre de 2021 par rapport à la même période de 2020, selon les chiffres de la direction générale des douanes (DGD) publiés par l’agence officielle APS. Durant le troisième trimestre de l’année dernière la hausse a été de 100% atteignant près de 9 millions USD alors que selon les chiffres de l'office national de la statistique de Mauritanie, les exportations algériennes vers ce pays, « ne dépassaient pas au mieux les deux millions de dollars pendant une longue période ». Les produits agroalimentaires viennent en tête des produits exportés. L'Algérie mise sur l'augmentation en 2021 de ses exportations jusqu'à 50 millions de dollars vers la Mauritanie, voire même le dépassement des 53 millions de dollars réalisés en 2017. «Cette décision mauritanienne peut donc être motivée par des enjeux plutôt politiques. C’est un geste qui va dans le sens de la récente visite effectuée par certains ministres algériens à Nouakchott », souligne Lahoucine Aderdour. La semaine dernière, le ministre algérien de l'Intérieur, des collectivités locales et de l'aménagement du territoire, Kamel Bledjoud, était effectivement en Mauritanie. Et à cette occasion, les médias algériens ont mis l’accent sur un renforcement des relations entre les deux pays, notamment par la création d'une commission bilatérale frontalière devant consolider les opportunités d'investissement, réaliser des projets de partenariat dans les secteurs prioritaires au niveau des zones frontalières et promouvoir les échanges économiques, commerciaux... «L’Algérie ne pourra pas nous concurrencer sur le territoire mauritanien et encore moins en Afrique de l’Ouest », assure Boulguid expliquant que «les fruits et légumes marocains sont réputés non seulement par leur qualité mais aussi par leur bon rapport qualité/prix».

Cerise sur la gâteau, si la majorité des produits marocains destinés à l’Afrique de l’Ouest transitent aujourd’hui par la Mauritanie, demain la donne va changer. «Avec l’ouverture du nouveau port de Dakhla, moins de produits vont passer par la Mauritanie. Et si cela arrange les opérateurs marocains, pour les voisins c’est une pilule difficile à avaler», conclut Lahoucine Aderdour.