Contribution marocaine à des missions d'audit de la Cour des comptes européenne

DRISS BOUCETTA est un expert international en audit environnemental et chercheur en évaluation environnementale. Il a été accueilli le 13 janvier 2014 par la Cour des comptes européenne à Luxembourg à la Chambre I – Unité - Pêche, Environnement et Santé-. Il a participé pendant plusieurs mois à des missions d’audit de cette grande institution Européenne en tant que spécialiste expert en audit environnemental. Cette opportunité offerte à M. Driss Boucetta, fait de lui le premier Arabe et Africain ayant pris part à différentes missions officielles d’audit de la Cour des comptes européenne à Luxembourg et au sein des différentes directions de la Commission européenne à Bruxelles. Natif de Sidi Rahal, à Zemrane dans la région de Marrakech, il a suivi ses études primaires et secondaires à Derb sultan El Fida, puis ses études supérieures à la faculté des sciences juridiques économiques et sociales à Casablanca.

 

L’Observateur du Maroc : Comment avez-vous approché la Cour des comptes européenne ?

Driss Boucetta : J’ai été accueilli le 13 janvier 2014 par la Cour des comptes européenne à Luxembourg à la Chambre I – Unité -Pêche, Environnement et Santé- afin de participer à des missions d’audit de cette grande institution européenne en tant que spécialiste et expert en audit environnemental. Ces missions ont duré plusieurs mois. Cette opportunité a fait de moi le premier Arabe et Africain à prendre part à différentes missions officielles d’audit de la Cour des comptes européenne à Luxembourg au sein des différentes directions de la Commission européenne à Bruxelles. J’ai représenté dignement mon pays et j’ai été très fier. J’ai reçu plusieurs félicitations des différents grands responsables et membres de la Cour des comptes européenne suite à ma contribution pour une meilleure prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les missions d’audit de la performance de la cour des comptes européenne. Ce travail a été publié par le journal european court of auditors n° 4 , avril 2014 parmi les travaux des différents spécialistes de cette grande institution européenne et certaines grandes personnalités invitées par cette dernière. D’ailleurs c’est le premier arabe et africain dont le nom a figuré dans ce journal. Il faut avoir confiance en soit , il n’a y a pas de mystère, il faut travailler et il faut toujours laisser une trace. Comme disait Ralph Waldo Emerson (1803-1882) « n’allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n’y a pas de chemin et laissez une trace ».

Pourquoi l’audit environnemental est devenu de plus en plus indispensable?

Je suis heureux d'avoir l'occasion de discuter avec vous de l’importance vitale de l’audit environnemental, et son rôle moteur dans la promotion du développement durable, faire un entretien avec vous témoigne de l’engagement de la presse à faire avancer la réflexion dans ce domaine qui est en friche. En effet l’émergence de ce nouveau concept est née d'un souci grandissant à l'égard du développement durable et de l'augmentation des coûts de la protection environnementale. J'aimerais, en premier lieu, vous donner un petit aperçu sur ce nouveau concept. Sur le plan pratique l’audit environnemental est comme un audit financier, de conformité et de la performance qui évalue des questions liées à l'environnement et formule des opinions à leur sujet. La finalité de l’audit environnemental est conçu pour contrôler la gestion et la mise en oeuvre des politiques, des programmes et des projets dans le domaine de l'environnement. Il permet de réduire les conséquences négatives par la mise en oeuvre d'actions et de politiques de gestion environnementale.

L’audit environnemental permet :

❚ d’assurer la conformité, non seulement avec les lois, les règlements et les normes internationales, mais également avec les politiques de l’organisme concerné et avec les exigences d'un système de gestion environnementale;

❚ de sensibiliser davantage les organismes audités, les décideurs, les gestionnaires publics centraux, locaux et le public au sujet des incidences environnementales des politiques et des programmes ;

❚ de déterminer une utilisation plus efficiente des ressources naturelles, en comparant les coûts environnementaux avec les bénéfices économiques et sociaux ;

❚ de permettre d'anticiper les problèmes et les risques environnementaux. Par ailleurs il faut souligner que les risques pour l'environnement correspondent à la probabilité qu'une activité ait des effets nocifs sur l'environnement et/ou sur la santé, accompagnés éventuellement de conséquences économiques, sociales et environnementales. En un mot anticiper l’audit environnemental de pro- jet pour la maîtrise des risques dans les projets publics ou privés.

Pourquoi selon vous la Cour des comptes Européenne doit-elle s’intéresser à l’audit environnemental ?

C’est une question très pertinente. A mon sens, l’audit environnemental devra être une pratique courante pour les institutions supérieures de contrôle. Il contribue à rendre les gouvernements responsables du respect des accords internationaux en matière environnementale ainsi que des lois et des réglementations nationales. Dans cette perspective, la cour des comptes européenne sera invitée à insérer dans ses démarches d’audit les questions environnementales et sociales, fédératrices d’idées et de méthodes innovantes. L’objectif ultime devra converger vers l’amélioration des aspects environnementaux et sociaux des différents domaines audités par cette grande institution européenne et de proposer des recommandations visant à intégrer une stratégie de développement durable. Il s’agit en fait de mettre en évidence le rôle de l'audit des aspects environnementaux et sociaux en tant qu’instrument de transparence, afin de protéger les intérêts des citoyens européens. Il faut s’assurer que les fonds que ces derniers ont mis à disposition de l'Union Européenne ont été dépensés en tenant dûment compte des effets sur l'environnement et le social. Cette préoccupation majeure met en valeur l'intérêt de prendre en considération la donne environnementale et sociale dans les méthodes modernes d'audit innovantes tranchant en cela avec les méthodes traditionnelles qui existaient jusqu'à aujourd'hui.

Où en est la réflexion européenne à ce sujet ?

La protection de l’environnement a une importance vitale dans la promotion du développement durable. En effet conformément au traité (version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne au Titre XX article 191), la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :

❚ La préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement,

❚ La protection de la santé des personnes,

❚ L’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles

❚La promotion sur le plan international, des mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique. A ce titre il faut souligner que l’environnement a fini par représenter un élément fondamental de la politique internationale de développement. La gestion durable de l’environnement est l’un des objectifs essentiels du Millénaire pour le développement. La protection de l’environnement a été insérée dans la définition et la mise en oeuvre de l’ensemble des politiques et des actions de la Communauté. En 2005 la Cour des comptes européenne a effectué un audit sur la gestion, par la Commission, des aspects environnementaux de son aide au développement. L’audit a consisté à examiner si la Commission disposait d’une approche stratégique intégrée pour traiter les aspects environnementaux de sa coopération au développement, si elle avait adopté, pour la gestion, les dispositions lui permettant de mettre en oeuvre sa stratégie, dans quelle mesure l’environnement avait été inséré dans ses programmes et ses projets de développement et quels étaient les résultats de ses projets environnementaux. Cet audit de la gestion, par la Commission européenne, des aspects environnementaux de sa coopération au développement a concerné les pays en développement d’Asie et d’Amérique latine, avec les pays méditerranéens du Sud et avec le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Il faut souligner que l’audit environnemental est un domaine en friche où il n'y a pas encore beaucoup d'écrits disponibles. A la lumière de ma modeste petite expérience au sein de cette institution européenne. Je crois que le moment est venu pour croiser nos champs de réflexion et d'action afin de renforcer ce nouveau concept de l'audit environnemental et social dans les missions d'audit de performance de la Cour des comptes européenne. C'est un domaine relativement nouveau mais néanmoins essentiel. Le besoin de recourir à un concept nouveau consistant à prendre en compte les considérations environnementales et sociales est né d'un souci grandissant à l'égard de l'augmentation des coûts de la dégradation de l'environnement et aussi de sa protection.

Comment la Cour des comptes peut-elle procéder pour inclure les préoccupations environnementales et sociales dans sa mission ?

Il faut s'inspirer de la stratégie de développement durable du Bureau du vérificateur du Canada 2014-2016 visant l'amélioration de la gouvernance et la gestion du développement durable des entités auditées. En effet la cinquième stratégie de développement durable du Bureau du vérificateur général du Canada pour la période citée consiste à contribuer au développement durable par l’influence des différents travaux d’audit sur les ministères et organismes fédéraux et les sociétés d’État. La stratégie pour les trois prochaines années restera donc axée sur une meilleure intégration des facteurs relatifs au développement durable, aux différentes principales activités de planification et de réalisation des audits. L’approfondissement de la compréhension des aspects sociaux et économiques du développement durable se reflétera sur les rapports, tout en gardant le cap sur la protection de l’environnement. Cette nouvelle stratégie va permettre d’accentuer le virage écologique des activités du bureau vérificateur général du Canada.

Dans ce cadre la Loi sur le vérificateur général définit le développement durable comme étant un :

« Développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs ». Cette définition est tirée du rapport de 1987 de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement intitulé Notre avenir à tous (souvent appelé le Rapport Brundtland). Il faut préciser que l’article 21.1 de la Loi sur le vérificateur général indique que le développement durable est un concept en évolution constante reposant sur l’intégration de questions d’ordre social, économique et environnemental, et tributaire, notamment, de la réalisation des objectifs suivants :

❚ l’intégration de l’environnement et de l’économie;

❚ la protection de la santé des Canadiens;

❚ la protection des écosystèmes;

❚ le respect des obligations internationales du Canada;

❚ la promotion de l’équité;

❚ une approche intégrée pour la planification et la prise de décisions, grâce à l’évaluation des solutions économiques en fonction de leurs effets sur l’environnement et les ressources naturelles, et l’évaluation des solutions écologiques en fonction de leurs effets sur l’économie;

❚ la prévention de la pollution;

❚ le respect de la nature et des besoins des générations à venir. Cette stratégie donne une très grande importance aux organisations fédérales qui ont des responsabilités à l'égard de la politique en matière d'environnement et de gestion des ressources, en accordant une attention particulière aux aspects sociaux et économiques du développement durable.

Comment vous-êtes vous intéressé à cette question ?

Cette étude porte sur la contribution à une meilleure prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les missions d’audit de la performance de la cour des comptes européenne. Mon questionnement autour de l’intégration des considérations environnementales et sociales est issu de mon expérience en qualité de spécialiste en audit de l’environnement et chercheur en évaluation environnementale de l'université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne. Une formation au « 87th International training programme on environment audit » à Noida en Inde en 2009 m’a beaucoup marqué et a suscité chez moi un grand intérêt concernant l’audit environnemental. Suite à une proposition de solution afin d’économiser l’eau dans le centre I.C.I.S.A (International centre for information systems and audit), symbolisé par un arbre que j ai planté en souvenir, j’ai été poussé à contribuer davantage dans ce domaine de recherche ❚