Partage de la croissance, mythe ou réalité ?

Comment partager la croissance entre la région euro-méditerranéenne et l’Afrique ? Quelles opportunités et obstacles pour les PME ? Ces questions et bien d’autres ont été débattues lors de la 5e édition du forum Euromed-Capital.

Il y a une crise de croissance mais il y a aussi une croissance de crise», lance d’emblée l’ancien Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, actuellement président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au Sénat français, lors de l’ouverture de la 5ème édition du forum «Euromed Capital».

Tenu les 21 et 22 janvier, cet évènement a réuni quelques 450 participants provenant de plusieurs pays riverains de la Méditerranée, d’Afrique Sub-saharienne ainsi que des représentants de plusieurs organisations financières internationales dont la Banque Européenne d’Investissement, la BERD et Proparco.

Dans le contexte actuel, le partage de la croissance passe, selon Raffarin, par l’ouverture des uns sur les autres, l’adoption des réformes nécessaires pour l’amélioration du climat des affaires et l’adaptation à la mondialisation faute de pouvoir la changer. Les alliances entre les pays est le meilleur moyen pour un meilleur partage. «Le Maroc montre bien l’exemple dans ce sens vu le nombre de réseaux qu’il mobilise et les partenariats qu’il noue à l’échelle internationale», assure Raffarin. Et d’ajouter : «Outre le partage en amont via l’innovation, les technologies et le savoir, il faut partager les projets et les investissements. Je crois beaucoup en les fonds d’investissements plurinationaux».

D’après Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank, ces fonds sont nombreux. «Toutefois, la part dédiée à l’Afrique demeure très faible», regrette t-il. De son côté, le CEO de Casablanca Finance City Authority, Said Ibrahimi abonde dans le même sens. Il ajoute que la grande difficulté est que les montants destinés au développement africain ne trouvent pas d’intermédiaires entre détenteurs de capitaux et opportunités sur le continent. En tant que PDG d’un groupe panafricain, El Kettani estime que l’un des freins majeurs pour les investisseurs demeure la perception du facteur risque. «Il faut changer le regard porté sur le continent, surtout que les taux de rendements sont conséquents », déclare t-il. Il estime que le véritable enjeu est d’assurer à des centaines de milliers d’Africains un emploi. «Ceci passe par la favorisation du mariage entre les entreprises du nord et celles du sud et le développement de la co-localisation. C’est notre manière d’assurer le partage de la croissance sur le terrain», conclut-il.

Les opportunités en Afrique ne manquent pas, essentiellement en matière d’infrastructures dont les besoins annuels sont estimés à quelque 100 milliards de dollars sur le continent. «La baisse des rendements dans les autres régions du monde fait que l’Afrique constitue une bonne alternative pour les investisseurs», affirme Dominique Nouvellet, fondateur de Siparex et président d’Euromed-Capital. Nicolas Eshermann, membre du directoire d’Euromed-Capital et du comité exécutif de Siparex, insiste sur le facteur temps : «Nous investissons sur le continent depuis plusieurs années, mais il faut savoir que cela prend beaucoup de temps avant de commencer à générer du revenu».

La PME, locomotive de partage

En Afrique, ce constat fait l’unanimité : le parent pauvre dans le processus du développement économique demeurent la PME et la TPE. Pourtant, en Tunisie par exemple, ce type d’entreprises, malgré leur taille, représente plus de 70% de la main-d’œuvre, comme nous le confie Jalloul Ayed, ancien ministre tunisien des Finances. «En Tunisie, seuls 15% des crédits sont accordés aux PME. Outre le problème de financement bancaire, ces structures sont confrontées au problème d’accès aux fonds propres en Afrique», insiste t-il. Solution? «Il serait judicieux alors de formuler des politiques pour booster ces structures et les pousser à investir plus. Qui dit développement d’une PME, dit recrutement et investissement et donc partage de croissance. Le privé est concerné mais aussi les gouvernements africains qui doivent les appuyer».